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Fév 24, 2018

La mode vintage : renouveau ou regard passéiste ?

 

Le mot vintage qui a envahi tous les domaines, de l’habillement à la décoration en passant par le design des voitures est à l’origine un mot anglais issu du vocabulaire viticole et qui sert à désigner des vins (porto) au millésime exceptionnel.

Par extension, vintage se rapporte à :

-un vin d’une qualité exceptionnelle du fait de son millésime

– un vêtement ou un accessoire ancien par référence au millésime (l’année de création). Dans ce sens il remplacer le mot rétro.

– un objet original fabriqué à l’époque (disque vinyle, automobile, meuble, etc.)

– des objets modernes conçus pour évoquer les objets d’époque.

l’envahissement des objets vintage nous interpelle : s’agit-il d’un sursaut de renouveau de la création ou cette mode est –elle le reflet d’une nostalgie de temps révolus ?

Le goût de la copie d’objets du passé voire l’acquisition d’objets anciens ( brocante, fripe, recyclage …) est-il symptomatique d’un goût réel, d’une préoccupation écologique, d’une prise de conscience de la surconsommation ou d’une nostalgie d’un passé moins angoissant que l’état permanent de crise de nos sociétés dites avancées ?

Avant c’était mieux ? mieux fait ? meilleure qualité ? plus beaux design ?

Tout se mélange pour moi dans cette nostalgie plus ou moins consciente du passé.

Beaucoup d’articles étaient travaillées dans de belles matières, avec un travail souvent plus soigné.

La plupart des produits de confection sont issus de l’industrie et si certains tissus modernes sont plus confortables, rien n’égale le savoir-faire des industries textiles anciennes qui ont fermé à cause de leur coût

trop important. Il y a 50 ans, il n’était pas rare qu’une femme confectionne ses habits ou fasse appel à une couturière. Impossible de concurrencer le prix à l’heure de la confection sous-traitée en Chine !!

Une fois de plus, l’argent et la rentabilité ont tué des savoir-faire, des outils d’excellence et des qualifications au nom du sacro-saint profit !

Les bijoux étaient des objets rares, chers mais destinés à franchir les générations. La voiture restait un luxe pour beaucoup de ménages mais on faisait rêver les gens avec des design exceptionnels : la voiture devait refléter l’idée de luxe, les matières nobles, la liberté de déplacement. Aujourd’hui on axe sur la sécurité et les gadgets…. Mais la voiture est devenue un objet banal.

Banalisation, pléthore, uniformité, voilà ce qui caractérise nos sociétés. Il faut sans cesse plus d’audace pour conquérir un marché, des trouvailles tout le temps pour se différencier du voisin….les modes s’accélèrent car il faut sans cesse vendre plus. C’est une course effrénée pour être visible dans un univers saturé d’objets.

Le retour au design vintage, en particulier pour les voitures, constitue dans l’imaginaire inconscient un retour immédiat au passé lié aux images de films, la vie des parents ou grands-parents avec tout un attirail très positif de joie de vivre et d’insouciance d’autant plus qu’ils sont valorisée par et embellis par le temps qui a opéré son tri …qui nous ont quittées depuis longtemps.

A l’époque, pas de routes encombrées, pas de ceinture obligatoire, pas de radar qui vous flashent. Dans les films, la voiture c’est souvent l’évasion, les road movie, la jeunesse, les premiers rendez-vous amoureux, les vacances.

J’ai déjà évoqué dans un autre article la perte des savoir-faire. Qui se lancerait spontanément dans la confection d’un vêtement, d’un accessoire imité des tenues aperçues dans les journaux ? Plus grand monde ! Cela prend trop de temps, cela revient cher en matériel et puis le marché nous inonde à bas coût de vêtements à la mode sans arrêt !

Je pense que, confusément, même si le tourbillon incessant de la vie ne nous donne plus beaucoup l’occasion de réfléchir à tout ceci, nous recherchons tous, plus ou moins une vie plus calme, plus satisfaisante au quotidien, plus valorisante aussi. Après tout, quel plaisir de voir naître entre ses mains un vêtement ou un accessoire que l’on va porter  et qui va susciter des compliments ?

Quel plaisir de porter un vêtement dont on sait qu’il est fait d’une belle matière et qui ne sera pas démodé dans quelques mois… après tout, on a mis de l’argent de côté pour l’acheter, on a réfléchi longuement avant de se décider et on profite longtemps de ce choix.

En écrivant ces mots, je me rends compte combien la logique de tout cela a disparu.

Garder un vêtement longtemps ? c’est être démodé !

La logique vintage c’est sortir le vieux du côté ringard en lui offrant une nouvelle vie. Oui, mais là aussi, n’est pas noble ou digne d’intérêt n’importe quel style ; là encore les diktats de la mode s’imposent et même si l’on regarde le glissement du mot, combien ces changements sont rapides !!! on est toujours en passe d’être dépassé ou has been, bref, plus reconnu par nos pairs !!!

Vitesse, vitesse,  tourbillon d’un monde en perpétuelle mutation… mais dans ce monde où sommes-nous ? où est notre raison d’exister sinon de courir après le mouvement des modes qui filent ? Plus de temps pour cultiver son approche …. Le temps est la clé / le temps qui fait l’argent et fait courir le monde !!

Le vintage peut tenter aussi celles et ceux qui pensent que donner une nouvelle vie aux objets est responsable et écologique. Bien que je partage ce sentiment, on peut se demander pourquoi s’entourer d’objets, même si ceux-ci possèdent un peu de notre histoire ? pour paraphraser Lamartine :

«  Objets inanimés, avez-vous donc une âme Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?  »

Je pense que pour ma part, ces objets ne sont que des symboles, une recherche d’ailleurs , un dérivatif car l’essentiel est ailleurs, sans doute dans l’échange des regards, la fierté de faire ou d’être admiré, la reconnaissance de la beauté d’un objet, de l’habileté qui a présidé à sa fabrication, la reconnaissance du génie humain, la permanence de ce qui constitue profondément notre nature humaine par-delà le temps et les modes.

L’objet peut devenir un compagnon, le reflet d’une personnalité ou la création unique d’un artisan, mais l’objet ne se substitue pas à  l’homme. Entre être et avoir, la société de l’argent a fait pencher la balance du mauvais côté : on est toujours autre chose que seulement à l’aune de ce que l’on possède matériellement ? Pire, une partie de nos possessions semble nous enlever un peu de cette humanité, comme si les objets avaient la faculté de voler un peu de notre âme.

Comment revenir à plus de simplicité ; ralentir le temps, prendre le temps d’apprécier, de comprendre, de réfléchir ou simplement de rêver ?

Les objets nous font rêver mais derrière c’est la liberté qu’ils incarnent ou qu’ils nous donnent qui font rêver .

Les objets nous font rêver mais derrière c’est l’acte créateur que l’on devrait envier ….. et si moi, je pouvais être ce créateur ? notre part de création  et d’imagination nous la déléguons à ceux qui pensent pour nous créent pour nous et nous offre une vie prêt à porter alors que nous pourrions nous créer une vie sur mesure en prenant le temps, comme dans une vieille armoire ou dans un grenier de prendre chaque objet en main et de décider de ce que l’on garde et ce que l’on donne.

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